DUMPING SOCIAL : Accord de Tartuffe sur le travail détaché

L’accord européen sur la révision de la directive n’empêchera pas les abus des employeurs et la mise en concurrence des salariés, estime Yves Gauby, de la CGT construction.
Article de l’Humanité, SÉBASTIEN CRÉPEL.

 

LE HANDICAP MALTRAITÉ PAR LE PLFSS DANS UNE LETTRE OUVERTE AUX PARLEMENTAIRES, 14 GRANDES ASSOCIATIONS DU SECTEUR DU HANDICAP DÉNONCENT LE PROJET DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE EN DISCUSSION DEPUIS HIER À L’ASSEMBLÉE NATIONALE. ELLES ESTIMENT AINSI QUE CERTAINES MESURES «VONT À L’ENCONTRE DE TOUTES LES POLITIQUES DU HANDICAP MENÉES PAR LES GOUVERNEMENTS SUCCESSIFS DEPUIS 1975». 5,92 C’EST, EN MILLIONS, LE NOMBRE DE DEMANDEURS D’EMPLOI, PETITE ACTIVITÉ COMPRISE, INSCRITS À PÔLE EMPLOI EN SEPTEMBRE. EN BAISSE DE 0,5 % PAR RAPPORT À AOÛT, SELON LE MINISTÈRE DU TRAVAIL.

 

L’accord signé dans la soirée de lundi entre les ministres européens sur la révision de la directive sur le travail détaché prévoit d’en réduire la durée de 24 à 18 mois au maximum, de faire respecter les grilles salariales professionnelles du pays d’accueil et de faciliter le contrôle de la fraude. En revanche, le paiement des cotisations sociales dans le pays d’origine au taux fixé par ce dernier reste inchangé. Salué par la ministre française du Travail Muriel Pénicaud comme une «première étape dans le renforcement de l’Europe sociale», cet accord est qualifié de «poudre aux yeux» par le responsable de la fédération bois, construction, ameublement de la CGT en charge du dossier travail détaché, Yves Gauby.

 

PEUT-ON PARLER À PROPOS DE L’ACCORD SIGNÉ À LUXEMBOURG D’UN BON COMPROMIS?

 

YVES GAUBY Ce qui est sorti du Conseil européen ne correspond pas du tout à nos attentes. Nous dire que les ministres se sont accordés sur le principe « à travail égal, salaire égal», c’est de la poudre aux yeux, car les employeurs sont en réalité déjà soumis à l’obligation de respecter les conventions collectives nationales en vigueur dans le pays d’accueil des travailleurs détachés. La directive de 1996 reconnaît en effet les conventions collectives. Cela signifie qu’à niveau de qualification égal, un salarié détaché devrait normalement être payé au même niveau qu’un salarié du pays d’accueil, primes comprises. Le problème, c’est que les employeurs ne le font pas. Ils préfèrent payer les salariés détachés au Smic, voire en dessous, sans compter les heures supplémentaires non payées, ou même le travail non déclaré. Sur les chantiers, nous n’avons jamais rencontré un salarié détaché payé comme un salarié français. Et cela va continuer avec les ordonnances Macron. Quelle hypocrisie de proclamer d’un côté que les conventions collectives s’appliqueront désormais à tous les travailleurs, et de consacrer de l’autre côté l’inversion de la hiérarchie des normes qui casse ces mêmes conventions collectives!

 

LE GOUVERNEMENT DIT QUE LA LUTTE CONTRE LA FRAUDE SERA FACILITÉE PAR L’OBLIGATION POUR UN SALARIÉ D’AVOIR ÉTÉ AFFILIÉ À LA SÉCURITÉ SOCIALE DE SON ÉTAT D’ORIGINE PENDANT AU MOINS TROIS MOIS AVANT D’ÊTRE ENVOYÉ EN DÉTACHEMENT. QU’EN PENSEZ-VOUS?

 

YVES GAUBY Nous sommes favorables à tout pas en avant qui permette de contrôler davantage les employeurs. Mais la question, c’est: avec quels moyens? Sur les chantiers, nous voyons à quelles difficultés se heurtent les inspecteurs du travail. Si Emmanuel Macron annonçait demain que, pour renforcer ce contrôle, il crée des postes d’agents, nous serions d’accord à 100 %. Sauf qu’aucune garantie n’est donnée dans ce domaine. Et quand nous réclamons les moyens pour les instances représentatives du personnel de contrôler le recours au travail détaché dans les appels d’offres de nos entreprises, ou le droit pour les syndicats d’ouvrir un local sur les grands chantiers pour aider les salariés détachés à faire respecter leurs droits, c’est toujours non. Pourtant, ce serait une avancée, en complément du travail des inspecteurs du travail.

 

LE DÉTACHEMENT RÉDUIT À 18 MOIS AU MAXIMUM, EST-CE UN GARDE-FOU CONTRE LES ABUS?

 

YVES GAUBY Une étude de la Commission européenne estime que la durée moyenne de détachement pour un travailleur est de quelques semaines, on est bien en dessous de douze mois! Là aussi, on est dans l’affichage. Les États qui ont signé cela savent que ça ne gênera en rien les pratiques en cours.

 

SUR LE TRANSPORT ROUTIER, LA COMMUNICATION DU GOUVERNEMENT EST ALAMBIQUÉE. IL COMMENCE PAR AFFIRMER QUE LA QUESTION «EST CLARIFIÉE». PUIS QUE LES SALARIÉS FRANÇAIS DU SECTEUR SERONT PROTÉGÉS «PAR LA LOI FRANÇAISE». QU’EST-CE QUI A ÉTÉ «CLARIFIÉ»?

 

YVES GAUBY Le gouvernement ne veut pas avouer qu’il a accepté que les routiers soient exclus de l’accord. Il essaie donc de faire croire qu’il n’y a pas lieu de s’inquiéter. Mais c’est le contraire qui est vrai. Il tourne en rond, car il a clairement tapé en touche et ne trouve pas d’issue au plan européen.