Les travailleurs étrangers, problème grandissant dans le bâtiment en France

Par Nathalie ALONSO et Christian CHARCOSSEY | AFP – mer. 12 déc. 2012
 
Le secteur du bâtiment appelle le gouvernement à agir à propos des conditions qu’il juge “scandaleuses” de concurrence liées à la présence en France de milliers de travailleurs étrangers, employés en sous-traitance mais travaillant 70 heures par semaine ou “au noir”
 
“Nous travaillons dans une activité concurrentielle donc ça ne nous dérange pas de voir ces travailleurs européens arriver sur les chantiers, mais on dit qu’il y a des gens qui travaillent sur les mêmes métiers que nous pour 600 euros par mois”, a déclaré à l’AFP Jean-Pascal François, secrétaire fédéral de la CGT Construction.
 
 Le secteur du bâtiment appelle le gouvernement à agir à propos des conditions qu’il juge “scandaleuses” de concurrence liées à la présence en France de milliers de travailleurs étrangers, employés en sous-traitance mais travaillant 70 heures par semaine ou “au noir”.

“C’est un sujet extrêmement chaud. Il y a une montée de la température car c’est la question qui est devenue la priorité pour nos entreprises”, a affirmé Didier Ridoret, le président de la Fédération française du bâtiment (FFB), mercredi lors d’une conférence de presse.

Pour M. Ridoret, la FFB “met la pression sur le gouvernement” pour qu’il réalise autant de contrôles que l’Allemagne ou la Suisse en font sur les travailleurs étrangers.

Preuve du mécontentement grandissant: un millier d’artisans ont manifesté mardi à Strasbourg pour réclamer une harmonisation européenne dans leur secteur et dénoncer la “concurrence déloyale” dont ils s’estiment victimes.

 

“Le bâtiment manifeste parce qu’il y a trop de charges sociales”, a expliqué à l’AFP Léonard Bisceglia, ancien président de la FFB pour le département d’Alsace.

Mais aussi parce qu'”il existe une concurrence déloyale des entreprises sous-traitantes qui viennent de l’étranger, et qui n’ont pas les mêmes obligations que nous”, a-t-il ajouté.

La directive européenne Détachement de 1996 prévoit qu’en matière de droit du travail, les lois du pays d’accueil (conventions collectives, salaire minimum, temps de travail, contrat) s’appliquent lorsqu’elles sont plus favorables, les cotisations sociales, elles, sont dues dans le pays d’origine.

Or “les écarts entre pays peuvent dépasser 20-25%”, selon Yvon Laplace, auteur d’un rapport du cabinet Secafi intitulé “Le détachement des travailleurs ne connaît pas la crise”.

Les syndicats se sont également emparés de leur coté de ce problème pour dénoncer un “dumping social”.

Les particuliers aussi

“Nous travaillons dans une activité concurrentielle donc ça ne nous dérange pas de voir ces travailleurs européens arriver sur les chantiers, mais on dit qu’il y a des gens qui travaillent sur les mêmes métiers que nous pour 600 euros par mois”, a déclaré à l’AFP Jean-Pascal François, secrétaire fédéral de la CGT Construction.

 

“Sur tous les chantiers, le phénomène explose, je ne connais pas un chantier qui n’utilise pas de la main d’oeuvre détachée”, estime pour sa part un membre du syndicat Construction CGT à Toulouse, qui a requis l’anonymat.

La FFB assure que des “officines polonaises” et de l’Europe de l’Est inondent de mails les entreprises françaises pour leur proposer des employés à 15 euros de l’heure. Mais en les obligeant à travailler 70 heures par semaine au lieu des 35 heures légales et pour le même salaire tout en oubliant de payer la TVA, qu’elles doivent payer, une fois reparties “à Cracovie ou Bucarest”.

“Ce sont des pratiques scandaleuses”, dénonce M. Ridoret.

Les artisans sont aussi victimes d’un “dumping sauvage” car de nombreuses camionnettes arrivant des pays de l’Europe de l’Est, très visibles dans Paris notamment, viennent travailler “au noir” chez des particuliers en amenant avec eux carrelages, peintures et autres parquets, selon la FFB.

Le ministre du Travail Michel Sapin avait assuré le 13 novembre que les cas de travailleurs européens légalement détachés sont “poursuivis” lorsqu’ils ne respectent pas le droit du travail, rappelant qu'”être payé au Smic polonais en France, c’est illégal”.

 

Disant s’appuyer sur une note confidentielle du ministère du Travail, le quotidien Le Parisien avait affirmé que la France compterait 300.000 salariés européens à bas coût, employés sous contrat avec des entreprises de leur pays d’origine.

“Ce sont des entreprises françaises qui utilisent ce type de main d’oeuvre tout en se plaignant ensuite qu’il y ait de la main d’oeuvre illégale”, avait affirmé M. Sapin en appelant “chacun” à être “cohérent”.