Notre-Dame-des-Landes : retour de bâton pour l’Etat.

Le monde du 11 octobre 2016

Après le succès des opposants au projet d’aéroport, le démarrage du chantier en octobre semble impossible.

 

Quelle va être la réponse du gouvernement au succès des opposants à l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes qui ont réuni, samedi 8 octobre, plus de 40 000 personnes selon eux (12 800 selon la police) sur la ” zone à défendre “, la ZAD ? Le scénario officiel, annoncé maintes fois par le premier ministre, Manuel Valls, reste celui d’une évacuation du secteur et du démarrage du chantier en octobre ou à l’automne. Mais il aura bien du mal à être concrétisé.

 

La réussite de ce week-end militant, dans le bocage, à une quinzaine de kilomètres au nord de Nantes, est en effet de nature à compliquer encore plus la réalisation d’un projet déjà encalminé depuis de longues années. Elle montre que, malgré la victoire du oui lors de la consultation locale, le 26 juin, sur le transfert de l’actuelle plate-forme aéroportuaire Nantes Atlantique vers le petit bourg de Notre-Dame-des-Landes, les opposants sont loin d’avoir désarmé.

En proposant cette consultation, le gouvernement espérait accroître la légitimité de ce programme et décrocher la partie la plus modérée de l’opposition, en faisant valoir le respect de la démocratie. Cela n’a pas fonctionné, aucun des soutiens aux ” zadistes ” n’ayant manifesté l’idée d’abandonner la lutte. Et si les 55 % du oui signifient l’échec des opposants, ces derniers peuvent se targuer d’une large victoire de leur camp dans les villages directement affectés par la construction de l’aéroport. Surtout, ils peuvent se prévaloir d’un différentiel très faible à Nantes, malgré l’engagement de la maire socialiste : 100 voix de moins sur près de 85 000 votants.

 
” Le Chant des bâtons “

 

Les zadistes comptent ainsi sur une importante base de sympathisants locaux, qui se traduisait, samedi, par la présence de nombreuses voitures immatriculées en Loire-Atlantique et dans les départements voisins. Ils ont prévu une mobilisation immédiate des soutiens les plus proches en cas d’irruption des gendarmes. Les milliers de personnes venues de la France entière planter un bâton – la manifestation avait été baptisée ” le chant des bâtons ” – se sont aussi engagées à venir les reprendre pour défendre la ZAD dès le -début d’une éventuelle opération d’évacuation.

Tous se préparent à l’épreuve de force. ” Il y aura une telle opposition en France que même s’ils arrivaient à vider la ZAD, ils ne pourraient pas tenir le terrain longtemps. Nous, on le connaît par cœur, tous les recoins, les chemins, on reconstruira toujours “, annonce ainsi Vincent Delabouglise, agriculteur et responsable du réseau Copain 44 (Collectif des organisations professionnelles agricoles indignées par le projet d’aéroport), promettant deux cents tracteurs sur la zone dans l’heure qui suivrait l’intervention, et plusieurs centaines d’autres pour bloquer des cibles dans tout le pays. ” Tout est organisé, tout le monde sait déjà ce qu’il aura à faire “, ajoute-t-il.

 

Le gouvernement aura aussi -affaire à la CGT. ” Nous nous préparons à bloquer l’aéroport s’ils viennent ici sur la ZAD “,explique -Tristan Leroy, responsable cégétiste de l’aéroport de Nantes Atlantique. Francis Lemasson, de la CGT-Vinci, prévient lui aussi : ” Nous appellerons tous les salariés qui seraient amenés à travailler sur le chantier à faire valoir leur droit de retrait, car ils seraient en danger, obligés de travailler sous la protection des gendarmes. ”

Autant de troubles nécessiteront une mobilisation policière de plusieurs milliers de personnels que le gouvernement aura du mal à dégager. Car la priorité réaffirmée par le ministre de l’intérieur reste la sécurité face à la menace terroriste et l’évacuation de la ” jungle ” où sont installés les migrants à Calais, qui mobilise déjà de nombreux CRS et gendarmes mobiles.

” Je pense que les occupants de la ZAD vont gagner, je ne vois pas comment le gouvernement peut les évacuer. Mitterrand avait compris et arrêté les projets d’extension du camp militaire du Larzac et de la centrale nucléaire de Plogoff – – Finistère – “, selon Christian -Roqueirol. Cet éleveur de brebis, venu avec une trentaine d’agri-culteurs du Larzac, voit dans la lutte de Notre-Dame-des-Landes ” beaucoup de similitudes ” avec son combat des années 1970.
Contentieux avec Bruxelles

 

Du reste, le gouvernement n’en a pas fini avec les diverses procédures. ” L’ouverture – de l’aéroport – , initialement prévue en 2017, a été repoussée en raison du durcissement de l’opposition au projet et d’un contentieux européen portant sur l’évaluation environnementale du futur site “, reconnaît la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement, dans un document publié en septembre. ” Et la France s’est engagée à suivre les prescriptions de la Commission européenne “, rappelle Stéphan de Ribou, le sous-préfet chargé de mission pour l’Aéroport du Grand Ouest.

Le contentieux avec Bruxelles ne sera réglé qu’à l’occasion de l’adoption du nouveau schéma de cohérence territoriale (SCOT), qui organise l’urbanisme de la métropole Nantes-Saint-Nazaire. L’enquête publique sur ce schéma se termine le 21 octobre. Une prolongation d’un mois peut ensuite être demandée. Remarques et avis seront alors intégrés dans ce SCOT qui devra ensuite être approuvé par les élus du pôle métropolitain. Ce n’est qu’alors, explique-t-on à la préfecture de Loire-Atlantique, que la France se retournera vers Bruxelles. Autant dire que rien ne devrait pouvoir se faire avant la fin de l’année, voire début 2017.

 

D’autant que les opposants, qui ironisent surle profil des trois commissaires enquêteurs du SCOT – retraités de l’agroalimentaire, de la gendarmerie nationale et du BTP -, comptent bien déposer des recours contre ce document. Ils prévoient aussi d’attaquer le dernier arrêté préfectoral du 13 septembre autorisant la destruction du campagnol amphibie, une espèce menacée présente sur la zone du futur aéroport.

Après, comme le rappelle la préfecture, il faudra évacuer, au moins en partie, la zone pour pouvoir défricher puis débuter le chantier. Et avant d’entamer le terrassement pour l’aérogare et les pistes, il faudra construire le barreau de desserte routière. Autant d’étapes qui sont encore loin d’être programmées et un agenda quasiment impossible à tenir à quelques mois de l’élection présidentielle.

Rémi Barroux