Polonais du réacteur EPR : Bouygues relaxé mais un sous-traitant condamné

CHERBOURG, 12 fév 2014 (AFP)

La société chypriote Atlanco a été condamnée mercredi par les Prud’hommes de Cherbourg pour le « travail dissimulé » de 59 Polonais sur le chantier du réacteur nucléaire EPR de Flamanville en 2010/2011, mais son donneur d’ordre, Bouygues, a été relaxé. L’« agence internationale d’intérim » Atlanco est condamnée à verser de 9.637 euros à 12.267 euros, soit six mois de salaires, selon les cas, à chacun des 59 ouvriers polonais, à titre d’indemnité forfaitaire.


Atlanco, qui « n’a pas respecté intégralement la législation européenne », est reconnu coupable de « travail dissimulé » car ces salariés n’ont « pas pu bénéficier d’une couverture sociale » sur la période concernée (une partie de 2010 et les premiers mois de 2011).
Trois autres ouvriers qui avaient formulé les mêmes demandes ont en revanche été déboutés.
Atlanco était en contrat avec Welbond Armatures, société française elle-même sous-traitante de Bouygues sur le chantier de Flamanville à l’époque. Les 62 sont déboutés de leur demande de dommages et intérêts au titre du délit de marchandage. Car « la société Atlanco est bien une entreprise de travail temporaire ».

 

 

En outre, tous ceux qui l’ont demandé (16 sur 62) sont déboutés de leur demande de voir déclarer solidairement responsables les sociétés françaises Bouygues travaux publics et Welbond Armatures. Car Welbond a agi auprès d’Atlanco « dès qu’elle a eu connaissance des difficultés », selon le conseil des Prud’hommes. Et la responsabilité solidaire de Bouygues ne peut être retenue si celle de Welbond ne l’est pas. Mais Welbond « n’a réagi que lorsque l’autorité de sûreté nucléaire (ASN) a signalé ces irrégularités. Pourquoi ne l’ont ils pas fait avant », s’est interrogé auprès de l’AFP l’avocat des salariés, Me Wladyslaw Lis, qui « envisage » de faire appel.

 

 

Le conseil des Prud’hommes a en outre ordonné à Atlanco « la régularisation » de ces salariés auprès des organismes sociaux français sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé un délai de 30 jours. « On se félicite qu’Atlanco soit condamnée », a réagi Jean-François Sobecki de la CGT de Cherbourg, interrogé par un correspondant de l’AFP, « mais nous avons une déception. Le gouvernement dit qu’il faut responsabiliser les donneurs d’ordre sur le détachement de travailleurs européens. Aujourd’hui, ce n’est pas le chemin qui a été pris » puisque Bouygues n’est pas condamné et qu’EDF n’était pas poursuivi.
EDF est maître d’oeuvre du chantier de l’EPR de Flamanville. Bouygues a été responsable de la partie génie civile. D’après le jugement, Atlanco a estimé notamment pour sa défense que ses travailleurs n’étaient pas « détachés », et souligné que les cotisations sociales avaient été payées par Atlanco à Chypre. L’avocate de la société, en audience, n’était pas joignable dans l’immédiat. La société a par ailleurs expliqué que son contrat avec Welbond était lié à un « accroissement temporaire d’activité d’un durée estimée d’un an » car EDF, maître d’oeuvre du chantier, avait, « durant l’été 2009 (…), demandé une accélération substantielle de la réalisation du projet ».

 

 

Le chantier de l’EPR est en retard de quatre ans et son coût initial a presque triplé à 8,5 milliards d’euros. Bouygues avait rompu fin juin 2011 son contrat avec Atlanco, après une injonction de l’ASN qui avait épinglé des irrégularités. Ces dernières font par ailleurs l’objet d’une enquête préliminaire, que le parquet de Cherbourg est en passe de boucler, en vue d’un éventuel procès en correctionnel. Le chantier employait début 2011 plus de 3.200 personnes. Atlanco se présente comme une société qui « développe une activité internationale consistant à engager des nouveaux travailleurs et les mettre à disposition de clients sur différents projets dans l’Union européenne ».